Cormorans

Le cormoran : le point de vue de BirdLife Suisse

Après une période d’accalmie, le cormoran est à nouveau dans la ligne de mire des pêcheurs. En cause, la baisse récente de rendement de la pêche aux corégones (palées et bondelles). Pourtant, il n’y aucune évidence scientifique que l’oiseau soit à la base de ce déclin. En consultant les statistiques de la pêche dans les lacs suisses, on remarque des cycles qui sont largement indépendants de l’abondance des cormorans nicheurs. BirdLife Suisse demande aux cantons de faire preuve de retenue dans ce dossier.

Les cormorans sont régulièrement accusés de faire disparaître les poissons du lac. De nombreuses informations fantaisistes sont colportées, notamment lorsque les rendements de la pêche diminuent. Rappelons ici quelques faits.

  • Les cormorans sont des oiseaux pêcheurs généralistes : ils se nourrissent d’une grande variété de poissons abondants dans l’environnement aquatique, d’une taille comprise entre 3 et 50 cm (de préférence entre 10 et 25 cm). 
  • Leur consommation quotidienne varie selon la période de l’année ; la plupart des études sérieuses indiquent une consommation quotidienne moyenne de 400 à 500 g. 
  • Au lac de Neuchâtel, la seule étude disponible est celle de Antoniazza (2013) : En période de nidification, les poissons consommés sont surtout des Gardons et des jeunes Perches de première année, ce qui confirme d’autres études menées ailleurs en Europe (Grémillet, 1997; Keller, 1995; Veldkamp, 1995). Avec 56% de la biomasse, le Gardon dominait la Perche de première année (30%). Les poissons de valeur marchande (comprenant des Perches de deuxième année et plus, ainsi que des Brochets) ne représentaient que 8% de la biomasse totale.
  • Dans les lacs suisses, les statistiques de pêche montrent des fluctuations cycliques du nombre des poissons qui intéressent la pêche commerciale, indépendamment du nombre de cormorans nicheurs. Le graphique ci-joint montre la situation des corégones (palées et bondelles) pour le lac de Neuchâtel. On voit ainsi que les années 2012 à 2016 ont été parmi les meilleures pour la pêche professionnelle alors que les effectifs de cormorans étaient déjà supérieurs à 700 couples. A l’inverse, les années où les prises ont été les plus faibles (1978 à 1984), les cormorans n’étaient pas encore installés comme espèce nicheuse.
  • Le cormoran est une espèce chassable au Plan fédéral (entre le 1erseptembre et le 28 février).
  • Les colonies de reproduction sont protégées, notamment dans les réserves d’oiseaux d’eau comme l’a confirmé le Tribunal administratif fédéral en 2011, suite à un recours de BirdLife Suisse, Pro Natura et Helvetia Nostra.
  • Les lacs et notamment le lac de Neuchâtel abritent des populations importantes d’oiseaux d’eau qui leur confèrent une importance nationale ou même internationale selon les secteurs. La faune sauvage doit y être préservée des dérangements. Le tir de cormorans à proximité des réserves peut remettre en cause les objectifs de protection de la nature.

BirdLife Suisse demande par conséquent que les interventions dirigées contre les animaux sauvages soient basées sur des faits et qu’elles puissent être soumises à un contrôle judiciaire au besoin.

BirdLife Suisse estime que les dégâts avérés aux filets des pêcheurs professionnels causés par les cormorans devraient pouvoir être indemnisés par les cantons au même titre que les dégâts occasionnés par la faune sauvage dans les cultures.

BirdLife Suisse estime que des études sur la situation écologique des lacs sont importantes à mener, alors même que de nombreux facteurs comme le réchauffement des eaux, le déclin massif des insectes (dont se nourrissent de nombreux poissons) et le problème des micropolluants seraient à même de fédérer les intérêts des pouvoirs publics, des pêcheurs et des organisations environnementales.

Graphique

Bibliographie

  • Antoniazza, M. (2013). Suivi des oiseaux nicheurs. Recensements 2012.
  • Grémillet, D. (1997). Catch per unit effort, foraging efficiency, and parental investment in breeding great cormorants (Phalacrocorax carbo carbo). ICES Journal of Marine Science, 54(4), 635–644. https://doi.org/10.1006/jmsc.1997.0250
  • Grémillet, D., Chauvin, C., Wilson, R. P., Le Maho, Y., & Wanless, S. (2005). Unusual feather structure allows partial plumage wettability in diving great cormorants Phalacrocorax carbo. Journal of Avian Biology, 36(1), 57–63. https://doi.org/10.1111/j.0908-8857.2005.03331.x
  • Keller, T. (1995). Food of cormorants phalacrocorax carbo sinensis wintering in bavaria, southern germany. Ardea, 83(1), 185–192.
  • Maumary, L., Vallotton, L., & Knaus, P. (2007). Les Oiseaux de Suisse. (Station Ornithologique Suisse & Nos Oiseaux, Eds.).
  • Suter, W. (1994). Overwintering waterfowl on Swiss lakes: how are abundance and species richness influenced by trophic status and lake morphology? Hydrobiologia, 279–280(1), 1–14. https://doi.org/10.1007/BF00027836
  • Suter, W. (1995). Are cormorants Phalacrocorax carbo wintering in Switzerland approaching carrying capacity? An analysis of increase patterns and habitat choice. Ardea, 83(1), 255–266.  
  • Veldkamp, R. (1995). Diet of Cormorants Phalacrocorax carbo sinensis at Wanneperveen, the Netherlands, with special reference to Bream Abramis brama. Ardea, 83(1), 143–155.