Le pic noir a été élu oiseau de l’année 2011 par BirdLife Suisse. Ce bel oiseau est un habitant caractéristique des massifs forestiers étendus. Il trouve sa nourriture avant tout dans le bois mort sur pied et a besoin d’arbres de grand diamètre pour forer sa cavité. Cette dernière activité confère au plus grand pic indigène de Suisse un rôle fondamental dans l’écosystème forestier: plus de 60 espèces utilisent les cavités du pic noir pour se reproduire, y cacher de la nourriture ou se reposer.
Film
Plumage noir, callote rouge
Le pic noir doit son nom à son plumage noir, qui peut aussi tirer sur le brun chez les jeunes oiseaux. Sa tête est ornée d’une calotte rouge vif. Elle couvre toute la tête chez le mâle, du bec à la nuque, mais seulement l’arrière du crâne chez la femelle. Un bec couleur ivoire et un iris gris clair à blanchâtre complètent la description de cet oiseau. Avec une taille de 45-57 cm, le pic noir est le plus grand représentant européen de sa famille.
Mâle (à gauche) et femelle avec calotte colorée typique. © Andreas Schoellhorn
Cris et tambourinage
Le pic noir anime de ses appels exceptionnellement sonores les forêts qu’il occupe. Son long «klieuuuh» haut perché est perçu à des kilomètres à la ronde par ses congénères. On le repère aussi à son cri territorial et de parade «kouik-ouik-ouik-ouik» et à son cri de vol«krrukrrukrrukrru». Comme chez la plupart des autres espèces de pics, tant le mâle que la femelle tambourinent à la saison des parades pour attirer un partenaire. Les pics choisissent à cet effet un endroit approprié, qui résonne bien, par exemple un arbre creux ou unevieille branche. La vitesse du tambourinage est relativement lente: environ 17 coups par seconde.
Hôte des grandes forêts
Les grands massifs forestiers de feuillus ou mixtes riches en bois mort et en fûts élevés et âgés constituent l’habitat du pic noir. Les 3’000-5’000 couples nicheurs de Suisse habitent les peuplements forestiers d’une certaine étendue. La densité maximale se rencontre aux étages montagnard et subalpin (entre 600 et 1’800 m). Un couple occupe toute l’année un territoire compris entre 200 et 400 hectares de forêt. Pour forer sa cavité, ovale la plupart du temps, le pic noir a besoin d’arbres dont l’approche en vol est aisée, à l’écorce lisse, mesurant au moins 40 cm de diamètre à la hauteur de la cavité. Il préfère le hêtre, mais peut aussi creuser sa loge dans un sapin, un pin ou un épicéa.
Le pic noir vit dans de grandes forêts d'un seul tenant comprenant de nombreux gros arbres et du bois mort. © BirdLife Suisse
Maître des cavités
Les pics noirs façonnent et occupent plusieurs loges sur leur territoire. Lorsque le pic noir a trouvé un arbre adéquat, il commence par creuser de son bec dur une galerie horizontale dans l’arbre, pour l’élargir ensuite vers le bas en une cuvette qui servira de nid. Plusieurs années peuvent s’écouler entre les différentes phases de construction; une nouvelle cavité n’est achevée en moyenne que tous les 3 à 7 ans. Simultanément, le pic noir répare et nettoie d’anciennes loges, qui peuvent être utilisées pendant 30 ans. Il occupe des cavités différentes pour dormir et pour nicher. A mi-avril, 3 à 6 œufs blancs sphériques sont pondus dans la cavité et couvés à tour de rôle par les deux partenaires pendant 12 jours. 3 à 4 jeunes parviennent en général à prendre leur envol après environ 4 semaines. A ce stade, le couple parental aura alimenté ses rejetons d’environ 150'000 à 180'000 insectes.
Rôle clé dans l’écosystème forestier
Les pics limitent le nombre d’insectes vivant dans le bois et contribuent ainsi à maintenir le peuplement d’arbres en bonne santé. Ils jouent un rôle important dans la régénération de la forêt en déchiquetant et dispersant le bois pourri, ce qui le rend accessible à de plus petits organismes. La fonction la plus importante que remplit le pic noir dans l’écosystème forestier est liée à son activité de foreur de cavités. De nombreux oiseaux, mammifères et insectes sont inféodés à celles-ci et parmi elles des espèces rares, comme la chouette de Tengmalm ou le pigeon colombin, qui nichent tous deux presque exclusivement dans des loges de pic noir. La martre, le loir, l’écureuil, de nombreuses espèces d’oiseaux comme le choucas des tours, la sittelle, l’étourneau et les mésanges, mais aussi beaucoup d’insectes font partie des quelque 60 occupants des trous du pic noir.
Protection des arbres à cavités et du bois mort
Il est par conséquent très important que les arbres à cavités existants et les arbres des alentours soient conservés lors de coupes forestières. Marquer les arbres permet de les protéger d’un abattage involontaire. Sur un territoire, il arrive souvent que les cavités soient regroupées en centres comprenant plusieurs trous. Un volume de bois mort d’au moins 20m3 par hectare offre au pic noir une bonne source de nourriture riche de nombreuses larves d’insectes, en particulier des coléoptères. Les clairières des forêts de montagne lui offrent aussi des ressources alimentaires, en particulier les fourmis des bois dont il raffole.
Les arbres à cavités doivent mesurer au moins 40 cm de diamètre et être faciles à approcher en vol. Le pic noir façonne le bois mort sur pied lors de sa quête de nourriture. © BirdLife Suisse