Abeille charpentière © wojtekspool/pixabay

Abeilles sauvages

Plus de 600 espèces en Suisse
Les abeilles sauvages, représentées en Suisse avec plus de 600 espèces, ont de hautes exigences quant à leur habitat. De nombreuses espèces de ces pollinisateurs importants pour les plantes sauvages et cultivées sont menacées. Elles peuvent être favorisées dans les agglomérations en augmentant l’offre en fleurs et en petits biotopes. Les villes peuvent abriter entre 50 et 90 % des espèces d’une région et un jardin privé peut compter de 50 à plus de 100 espèces.

Pollinisateurs importants
Les pollinisateurs sauvages (surtout abeilles sauvages et syrphes) peuvent réaliser jusqu’à deux tiers de la pollinisation dans les cultures agricoles et augmenter la fructification même quand l’abeille mellifère est présente en nombre. Grâce à la grande diversité des espèces, les abeilles sauvages ont certains avantages par rapport à l’abeille domestique : certaines abeilles sauvages volent aussi par mauvais temps, d’autres pollinisent des fleurs qui ne sont pas visitées par l’abeille domestique.
Pour assurer la pollinisation des plantes sauvages et cultivées, l’abeille mellifère seule ne suffit pas. Il est essentiel de pouvoir compter sur des abeilles sauvages diverses et en grands nombres.
 


De nombreuses spécialisations
Les abeilles sauvages dépendent de deux ressources principales : des fleurs pour se nourrir, respectivement pour nourrir les larves, et de petits biotopes pour la construction de leurs colonies. Environ 46 % des abeilles sauvages d’Europe centrale construisant des nids sont fortement spécialisées. Elles ne peuvent prélever le pollen que sur une seule famille de plantes ou même que sur un seul genre. Pour ces spécialistes, il faut, rien qu’en Europe centrale, les plantes de 20 familles et 28 genres Pour la reproduction, les abeilles sauvages ont besoin d’énormes quantités de pollen.

Sites de nidification
Chaque espèce d’abeille sauvage a des exigences spécifiques quant à son site de nidification. Pour la construction des nids, certaines espèces creusent des galeries dans un sol à végétation clairsemée, dans le bois mort ou dans les tiges à moelle. D’autres colonisent des interstices et creux existants comme les galeries creusées par les coléoptères du bois, les tiges de plantes creuses, les fissures dans la terre, la roche ou les murs. Même les coquilles d’escargot vides peuvent être utilisées. Ou alors elles construisent leur nid à l’air libre sur des pierres ou des tiges. De faibles distances entre nid et source de nourriture de maximum 200 à 300 m sont essentielles pour les abeilles sauvages.

En résumé, les abeilles sauvages ont besoin...

  • d’une offre en fleurs diversifiée, riche et continue,
  • d’une offre grande et diversifiée en petits biotopes,
  • d’une courte distance entre le lieu de nidification et la source de nourriture.

En raison de ces exigences quant à l’offre en ressources et à l’habitat à petite échelle, il n’est pas étonnant que le pourcentage d’abeilles sauvages menacées soit élevé. En Europe centrale, selon la région et le pays, entre 38 et 68 % des espèces figurent sur la liste rouge. En Suisse, ce taux s’élève à 45 %.
 


Toutes les plantes ne sont pas intéressantes au même degré pour les abeilles sauvages. Les fleurs des plantes ci-dessous servant de source de pollen et de nectar sont particulièrement favorable aux abeilles sauvages dans les agglomérations. Les ombellifères tels que la carotte ou le cerfeuil et certaines rosacées comme la digitale ou les arbres fruitiers sont également des plantes nourricières importantes.


La plupart des abeilles sauvages ont des périodes de vol spécifiques qui peuvent, selon l’espèce, se situer au tout début du printemps, au printemps, au début de l’été, en été ou au début de l’automne, et ne durent en général qu’un à deux mois. Quand des lacunes apparaissent dans l’offre en fleurs, par exemple lorsque toutes les prairies fleuries sont fauchées en même temps, les espèces volant à ce moment-là ne trouveront plus de nourriture et disparaîtront à plus ou moins long terme. Les espèces spécialisées sont particulièrement touchées, car elles ne peuvent pas se rabattre sur d’autres sources de nourriture, tout comme les bourdons qui ont besoin d’une offre abondante et continue en fleurs pour le développement de leurs colonies sur plusieurs mois. En résumé : plus l’offre en fleurs est continue de mars à octobre, plus le nombre d’abeilles sauvages pouvant vivre dans ce milieu sera élevé.


Une grande diversité est possible
Les villes et villages peuvent être riches en espèces et habitats. Selon les estimations les plus récentes, environ 16‘000 espèces différentes vivent dans la plus grande ville de Suisse. La raison principale en est la grande diversité des types d’habitats formant une mosaïque de petites surfaces dans les agglomérations. La présence des habitats est soumise à une forte dynamique, de nouvelles surfaces sont créées, alors que d’autres disparaissent.

Espaces verts pauvres en espèces
Certains habitats des agglomérations tels que les surfaces rudérales remplissent des fonctions similaires aux milieux devenus rares dans le paysage agricole et les sites naturels. Des endroits comme les toits plats, s’ils sont végétalisés, représentent une plus-value pour la biodiversité. Aujourd’hui, de nombreux habitats potentiels dans les agglomérations sont toutefois asphaltés ou plantés avec des espèces exotiques. Leur intérêt écologique est dès lors très réduit. Un grand potentiel écologique, insuffisamment exploité, se cache donc dans les villes et les villages.

Habitats multifonctionnels
Dans les agglomérations, la plupart des surfaces vertes sont multifonctionnelles et sont aussi utilisées par l’homme. La promotion des espèces et des habitats doit donc se faire dans le respect des besoins humains. Cela offre aussi la possibilité de sensibiliser la population aux besoins de la biodiversité. Nul autre endroit n’est aussi propice à toucher les gens que là où ils vivent et travaillent.
  


Grande biodiversité
Les prairies fleuries peuvent être des habitats très riches en espèces : on peut trouver jusqu'à 60 espèces de plantes sur quelques mètres carrés. S’y ajoutent d’innombrables espèces animales, surtout des insectes et d’autres invertébrés, des reptiles et des oiseaux. Les plantes des prairies doivent pouvoir fleurir et développer leurs graines avant d’être fauchées. Plus une prairie est fauchée précocement et fréquemment, moins le nombre d’espèces qui s’y développent sera élevé. Il existe de nombreuses possibilités dans les agglomérations de mettre en place une prairie fleurie : dans les parcs, les lotissements, les terrains des entreprises, autour des bâtiments publics, dans les jardins, sur les talus le long des chemins et routes ou même sur les toits.

Situation et utilisation déterminantes
Les surfaces qui sont souvent piétinées, comme les terrains de sport ou les places de jeu ne sont pas adaptées à la mise en place d’une prairie fleurie. Les surfaces rarement foulées sont préférables. Les gazons fleuris sont en revanche robustes, car les plantes qui les composent supportent d’être piétinées et fauchées fréquemment. L’idéal est de combiner les gazons fleuris avec des bandes de prairies fleuries fauchées plus rarement.
Selon le contenu en nutriments du sol, l’ensoleillement et le mélange de graines utilisé, les prairies montrent un visage très différent. Il faut environ cinq ans pour qu’une prairie atteigne sa composition végétale définitive.
  


Sols maigres graveleux
Les surfaces rudérales (surfaces de gravier) se forment naturellement sur les bancs de gravier des rivières et les éboulis. Dans les sites naturels et dans le paysage agricole, ces habitats sont de plus en plus rares. Des milieux similaires se trouvent aussi dans les agglomérations dans les jardins, le long des chemins, sur les talus, sur des terrains non asphaltés et sur des terrains à bâtir en jachère. De petites surfaces peuvent déjà abriter une surface rudérale riche en fleurs. Il faut pour cela un emplacement ensoleillé et un sol maigre en gravier ou caillasse.

Végétation clairsemée
Contrairement aux plantes des prairies, les espèces pionnières ne forment pas un tapis de végétation fermé, mais laissent des surfaces de sol nu. Dans les endroits ensoleillés, les surfaces rudérales offrent donc des portions de sol abritées et chaudes qui permettent à des animaux comme les lézards ou les insectes de prendre des bains de soleil ou de nicher. Les tiges des plantes pionnières bisannuelles sont creuses (ex. cardères) ou remplies de moelle (ex. molènes). Elles servent aux abeilles sauvages et à d’autres invertébrés de site de nidification ou d’hibernation, pour autant qu’on les laisse sur pied en hiver. Les surfaces rudérales ne devraient donc pas être fauchées tous les ans.
  

            


Informations complémentaires et documents

Aimeriez-vous en apprendre davantage sur le thème et/ou favoriser les abeilles sauvages ? Vous trouverez plus d'informations ici :

Textes : Andreas Müller, Manuela Di Giulio. Photos : Albert Krebs, BirdLife Suisse